Après le bain forcé et glacial

Soap avance lentement. Après avoir esquivé bon nombre de personne dans cette affreuse cuisine, il trouva davantage de répit au premier étage dans les appartements de la famille. L'homme approchait de son but, il le sentait telle l'intuition vibrant violement dans un coeur. Utilisant toujours la moindre parcelle d'ombre, même si personne ne se tient dans ce couloir, il poursuit son avancée dans le plus grand silence. Très vite, il entend du bruit, des voix, au moins trois. L'un des hommes de maison qui avait la langue trop pendue avait eu raison, la petite clémence était bien remontée dans sa chambre. Le problème, c'est qu'une jeune femme bloquait l'accès à la porte. Diable ! Depuis quand les gamines ont des escortes personnelles à l'intérieur même de leur habitat ?
Ne cédant pas à cet imprévu, Soap se planque dans une zone d'ombre et espionne patiemment, observe longuement la stature de la femme nommée Karine. Celle-ci est alerte, prête à défourailler l'épée. Son regard vif et déterminé, ainsi que sa posture et son équipement tend à penser qu'elle sait parfaitement se battre. Il fallait à tout prix qu'il évite l'affront direct. Tel le fauve, l'homme reste parfaitement immobile, devenant rapidement témoin d'une scène bien étrange. Cette Karine refuse pratiquement l'accès à la chambre de la gamine. Intrigué, il se concentra un peu plus sur ce qu'il se passait, et il rencontra alors cette lueur dans le regard de ce garde du corps aux formes agréables. Il n'y avait pas que du devoir là-dedans, il y avait des sentiments maternels bien dissimulé... La petite clémence était en train de changer de mère sans vraiment s'en rendre compte. Du moins, c'est l'impression que cela lui donnait. Malheureusement, elle était gênante cette Karine. Même sacrément gênante.

Soap resta donc aux aguets mais prépara des alternatives afin de poursuivre le plan. S'il trouvait de nombreuses solutions, toute réalisable mais gourmande en termes de temps, il ne s'attendait pas à ce que la petite Clémence lui offre la jeune femme sur un plateau. « Laisse-nous » qu'elle lui avait dit, une véritable aubaine. Saisissant la chance, il patienta que la gamine s'en aille rejoindre sa mère en courant puis fixa sa nouvelle cible qui semblait en proie à une intense réflexion. Sortant doucement son poignard, il s'approcha lentement et se faufila dans une autre zone d'ombre. Il ramassa alors un petit pot en terre cuite qui devait, à l'origine, accueillir une plante et l'utilisa pour en faire une diversion. La garde du corps démarra au quart de tour en se mettant sur ses gardes et s'approchant du lieu du bruit. Observant sa démarche, Soap comprenait qu'elle était très loin d'être dupe et c'était dommage de devoir tuer une femme qui semblait aussi douée.
Peut-être parce que celle-ci ne s'attendait pas à ce qu'il soit si près d'elle, Soap attendit qu'elle se trouve juste devant lui pour se jeter sur elle, amortissant les violents mouvements défensifs de la jeune femme alors que son poignard fonçait à toute allure vers sa rate. Elle aurait une belle hémorragie et mourrait en moins de trente secondes.

Toutefois, durant le bef instant où la lame parcourut la distance la séparant de son objectif, l'homme se ravisa et décala l'angle de pénétration. Le coup porta et tendit qu'il maintenait la victime férocement plaquée contre le mur, une main sur la bouche, il plongea son regard dans le sien, n'y voyant aucune terreur, mais peut-être du regret. Lorsqu'elle ne bougea plus, s'étant enfoncée dans l'inconscience, l'homme extirpa sa lame et la rangea. Il l'emmena alors dans le plus grand silence dans la chambre de la petite Clémence et l'allongea sur le lit. Il prit de grandes précautions, vérifiant que la mère et la fille un peu plus bas n'aient rien remarqué, puis repartit vers Karine. Il remarqua rapidement que ses yeux, mi-clos, ne s'était pas réellement fermé. Elle était solide pour une femme, une bonne chose.
Avec rapidité, il déchira des morceaux de draps et pratiqua un bandage efficace. Usant de ses connaissances médicales, il s'arrangea pour arrêter l'hémorragie. Il vérifia ensuite que son coup n'avait pas atteint les organes vitaux comme il l'avait éspéré. Une fois fait, il planqua la jeune femme sous la couverture. Elle mettrait sûrement un bon moment à guérir mais au moins sa vie n'était plus en danger, et elle ne risquait plus de le gêner. Après avoir refermé la porte derrière lui, deux voix parvinrent à ses oreilles. Une petite et une plus grande. La gamine et sa mère continuaient de jacasser un peu plus bas et ce qu'elles se disaient pourraient surement être intéressant.
S'allongeant sur le sol afin d'éviter d'être trop visible, Soap rampa jusqu'à avoir un visuel sur les deux femmes. Voir sans être vu, c'était une excellente règle. Toujours est-il qu'il conservait sa prudence adéquate. Un seul mouvement dans ce couloir et il disparaitrait mystérieusement dans les airs. Pourtant, malgré sa concentration, une question se posa dans son esprit. Pourquoi n'avait-il pas tuer Karine ? Etait-il en train de se ramollir ?
Soap écarta cette pensée et poursuivit son minutieux espionnage. Où partait donc la jeune Clémence ?

Le temps entre mes propos et la réaction qu’allait avoir Clémence n’était pas très long, mais il me paraissait durer une éternité. Et le geste enfin se faisait voir, mais une fois de plus l’effet de surprise était au rendez-vous.

Sa main gauche part fouiller dans sa poche pour me tendre … là une fois de plus je ne croyais pas ce que je voyais. Un blason ? le blason représentant tous mes titres et les armoiries de la famille Maledent et Compalite présents et unis ? Je n’en revenais pas et en restais bouche bée…

Ses questions je les entendais mais mon regard et mon esprit restaient fixés sur ce blason... je lui lâchais le bras et de tendre ma main pour lui prendre et de le regarder de plus près

Tu es au courant pour mon vicomté ? mais ? comment as-tu su ? moi-mesme ne l’ayant appris que par des amis et non officiellement… Oh Clémence… il est magnifique... et l’emblème des familles… merci beaucoup ma puce...

Les larmes aux yeux, je relevais mon regard… et… et comment peux tu penser que je ne veuille plus être ta maman ? ... de ma main libre je lui caressais la joue, profitant pour lui remettre une mèche de cheveux en place….. Clémence…. Je serai toujours ta maman…. Je sais que je t’ai fait du mal, je sais que je ne suis pas une bonne mère, je sais que tu m’en veux sur beaucoup de points, mais tu es ma fille et je t’aimerai toujours…..

Je pense que nous allons devoir discuter toutes les deux, car j’ai moults choses à te dire, je suis là pour quelques jours, mais nous aurons l’occasion d’en reparler, j’ai envie et besoin de partager du temps avec toi... mais là je crois qu’il est temps pour nous d’aller rejoindre les autres non ?

Le sourire aux lèvres malgré le regard embué, j’espérai que ma fille ne me fasse pas faux bond et qu’elle descende avec moi pour rejoindre le reste de la famille plus que nombreuse

Immobile, l'homme fixe les deux femmes, la mère et la fille, toutes les deux à nouveau unies. A peu de chose prés, on aurait cru à l'un de ces beaux théâtres italiens mêlant le drame et dénouements heureux. Malheureusement, comme pour tout écrivains de ces précieuses scènes, il y a un « or » pour troubler la paix et la sérénité précieusement acquise. Les hommes n'aiment pas les fins agréables qui exaltent l'idéalisme du bien. Le mal est plus excitant, plus délicat à manipuler et donc plus savoureux. C'est pour cela que tant de spectateurs, du nourrisson au vieillard, viennent s'en mettre plein la vue lors de pendaison. Ces hommes coupables ou innocents qui se retrouvent envahit d'une terreur innommable et se sentent prit pour du bétail de cirque. Ces gens qui ont été exhibés à poil devant des centaines de personnes avides de sang et de mort. La voir s'emparer de la vie d'un être impuissant les emplissent d'assurance, eux sont vivants, ils ne sont pas à la place du type qui subit l'humiliation avant son décès. C'est ce regard paniqué et implorant, luisant malgré tout de résolution, ayant parfaitement compris que plus rien n'arrêterait la mise à mort. Les magnifiques prunelles d'azur de ces deux-là en bas, toujours en vie, emplit de soulagement après la tristesse, ne sont pas les mêmes que sa femme.
Le vert et gris-pâle d'Adréa s'était accroché au sien quand on la violait sous ses yeux. Prostré sur le sol, impuissant face aux hommes de mains venus le détruire, on lui avait fait regarder la scène. Sa peau si douce, raidit par la douleur physique et morale, la peur et humiliation. Ses bras qui repoussent le violeur mais qui manque de force pour le détacher d'un centimètre. Et l'étincelle de sa vigueur, cette lueur qui l'avait tant attiré et qui s'éteignait au fur et à mesure que le salaud atteignait l'orgasme. Le sang qui ruisselle de ses jambes égratignées, de ses vêtements déchirés en lambeaux et éparpillés sur le sol. Les vains hurlement de sa voix jadis si douce et rassurante, mêlées aux siennes suppliant la pitié de ces agresseurs puis recouvert par les cris d'élan des coups de butoir.
Soap ferme les yeux, la voix résonne dans son crâne et monte en puissance. En très peu de temps, ça devient insupportable. L'homme reste pourtant figé sur place, observant la mère et la fille, les traits tirés, comprenant ce qu'aurait pu devenir sa femme et son enfant.
Les images, violentes et sanguinaires, reviennent avec une allure effarante. Les détails sont précis, tout comme ce couteau qui avait éventré Adréa, ce poignard noir qu'il porte aujourd'hui à la cuisse. Cette lame qui était responsable du meurtre de sa femme, lui ouvrant les entrailles pour qu'on fouille en son sein le petit qui grandissait. Toujours sous son regard, vidé de tout espoir et emplit d'une tristesse inqualifiable, il avait assisté à sa naissance prématuré, entendant ses premiers cris. Ces petits signes de vie et d'accueil bien vite étouffés par la chute et les coups de bottes qui lui avait écrasé le crâne contre la pierre, réduisant son petit cerveau en une affreuse bouillie. Ce mélange de sang et de chair dont on lui enfourna le visage malgré ses hurlements.
Mais voilà, il y avait eu un « or » pour lui aussi, et un « or » de taille. Laissé pour mort, il avait finalement survécu a des blessures graves. Le poignard qui avait ôté la vie de sa femme et son enfant, enfoncé dans sa poitrine, n'avait fait que frôlé son cœur.
Aujourd'hui, ironie du sort, Soap travaillait pour celui qui avait payé la mort de sa compagne et la sienne. Une dernière mission pour le responsable de ce massacre qui ne l'avait jamais réellement vu, un lâche qui avait préféré envoyer ses sbires sans avoir connu son visage. Une terrible erreur.
Cette lame qu'il portait sur lui, cette arme qui faisait les affaires de ce pourri le rejoindrait bien vite. Mais avant tout, il devait terminer une mission. Cette mission. L'heure des comptes aura alors sonné.

N'ayant pas perdu une once de concentration malgré la tempête de souvenirs et de douleur, Soap écouta le reste de la discution mais la larme qui s'échappait de son œil indiquait que ses pensées étaient ailleurs. Une réaction très contradictoire mais qu'il adopta bien malgré lui.
L'homme comprit pourquoi il n'avait pas tuer Karine. Pourquoi il n'avait pas égorger les cuisinières ou le valet. Ces deux Maledents ressemblaient à sa femme et ce qui aurait pu être sa fille.
Soudainement, la mère regarda dans sa direction, le regard luisant d'une certaine méfiance. Déduisant qu'elle ne l'avait pas repéré, sinon les yeux se seraient bien écarquillés, Soap ne bougea pas d'un pouce, un sourire étant la seule chose venant modifier son visage de pierre. Dans ce genre de situation, il ne fallait jamais paniquer. Bouger pour se mettre à couvert aurait augmenté les chances de se faire repérer contrairement à un homme fixe dans le noir.
Les derniers mots de la femme résonnaient encore dans son crâne. « Allons faire plus ample connaissance avec cette grande famille. ». Le sourire de Soap s'agrandit, c'était l'heure.